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La force postmoderne du symbole

Nous faisons aujourd’hui grand usage de symboles, d’ailleurs des symboles souvent réalisés par le matériel et les coutumes “bling-bling”, éminemment hypercapitalistes, qui sont les nôtres. (Rien à voir, certes, avec le symbole tel qu’il existait dans les Temps Anciens, où il avait sa valeur et sa profondeur propres.) Cet emploi du symbole éclaire d’abord les faiblesses extraordinaires de la communication du point de vue qualitatif dans le Système. Il contraste avec la puissance inouïe de la communication du point de vue quantitatif, ce déséquilibre abyssal renvoyant lui-même à ce même et mortel déséquilibre entre l’immense puissance technologique d’une part et l’absence absolue et entropique de sens d’autre part de notre civilisation devenue « contre-civilisation ».

(« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », écrivait fameusement Paul Valéry en 1919 dans sa première lettre de La Crise de l’ Esprit. Il faut désormais amender cette phrase célèbre en un constat beaucoup plus lourd, dans le sens et dans la forme : “Nous savons maintenant que le concept même de civilisation tel qu’il a été transformé est nécessairement mortel, et très rapidement”, cela si nous ne détruisons pas le Système et ne défaisons pas le Diable qui ont enfanté notre contre-civilisation…)

L’une des principales de nos actions anti-terroristes est donc symbolique dans le sens de la fabrication de communication des symboles “bling-bling”, qui est notre principale arme d’action. Cela n’est pas complètement illogique et illusoire puisque la menace elle-même provient de cette forme de fabrication : le terrorisme, notamment islamiste, est pure création de notre action politico-complotiste, au moins depuis 1979-Brzezinki, et certainement bien au-delà dans le passé avec les dirty-tricks des organisations-Système, – CIA et le reste, – dont nous nous sommes dotés. Par conséquent, chaque action terroriste contre un pays, si possible s’il est important, s’il compte, si l’on doit prendre garde à lui, s’il est “fréquentable”, s’il partage “nos valeurs”, s’il s’aligne, etc., est salué par des actes symbolique dit-“de solidarité” dans les pays de la chose nommée “communauté internationale” (ou plus précisément bloc-BAO pour les principaux actionnaires). Cela revient souvent à des actes du type interrupteur qu’on manipule, par exemple en éteignant l’éclairage de nuit de bâtiments publics ou, au contraire, en les éclairant aux couleurs du pays frappé. (On y ajoute, en passant, l’une ou l’autre minute de silence dans les grands ensembles multinationaux, bureaucratiques ou économiques, qui permet de prendre quelque repos de l’incessant et inutile bavardage caractérisant l’action de ces entités.)

Il y a eu, il y a deux jours, un attentat dans le métro de Saint-Petersbourg, avec 14 personnes tués. Il s’agit certes de Russes (prenez garde à ne pas vomir, braves civilisés), mais tout de même dans la catégorie “êtres humains”, non ? TheConan.com, parmi quelques rares autres, signale (vidéo) que Tel Aviv a été la seule ville de grand statut à saluer, par un éclairage symbolique, le tribut qu’il lui semblait nécessaire de rendre aux victimes russes du terrorisme. (La participation au commentaire de cette affaire de Saint-Petersbourg, par la chaîne “iconique” CNN qui fut toujours la première source à dénoncer avec une grande sagesse les obsessions des “complotistes”, a été de suggérer que cette attaque de pseudo-terrorisme pourrait bien être après tout un false flag monté par Poutine lui-même pour détourner l’attention des colossales manifestations contre lui d’au moins quelques milliers de personnes dans toutes les Russies contre lui, il y a quelques jours. CNN est une référence-phare de l’intelligence américaniste-occidentaliste.)

TheConan.com : « In times of great tragedy, you realize who truly has your back. And while many readers have taken very polarized positions on the Russia-Israel relationship, one cannot deny that after the terrorist attack on the St. Petersburg metro, no other city decided to honor those Russian citizens murdered by terrorists, except for the Israeli city of Tel Aviv. Tel Aviv authorities lit up the city hall with the white, blue and red colors of the Russian flag, as a show of solidarity with the 14 people killed in St. Petersburg. »

• Ayant ainsi admis la force de l’activité symbolique dans le langage de communication actuel, on en déduira que cette initiative israélienne, seule parmi toutes les nations du bloc-BAO, est à la fois singulière et significative. Elle va bien au-delà, même si elle l’embrasse, de la solidarité de la lutte contre le terrorisme, solidarité d’autant plus incertaine que l’on sait bien la politique plus qu’ambiguë d’Israël à cet égard, qui n’hésite pas soutenir certains groupes terroristes lorsqu’il s’agit de lutter contre l’Iran ou le Hezbollah en Syrie d’une part, et qui exerce une répression féroce contre les Palestiniens d’autre part. On voit donc que nous n’avons affaire ni à la vertu pure, ni à l’angélisme des sentiments de solidarité de type civilisationnel, mais à des politiques rouées, particulièrement du côté israélien. (Et particulièrement en ce moment où les Israéliens effectuent des actions offensives en Syrie qui sont à la limite de ce que les Russes peuvent tolérer.)

• Il n’empêche qu’on doit rechercher une signification politique plus haute dans cette marque de solidarité qui met Israël à part de l’unanimité antirussiste que l’on trouve dans les pays du bloc-BAO, qui va jusqu’au mépris des victimes du terrorisme et à la diffamation sordide de tout ce qui est russe en général. Cette signification caractérise la singularité des liens entre la Russie et Israël qu’on a déjà souvent signalés. Elle caractérise également une certaine similitude de vision entre la Russie et Israël sur la grande question qui domine la situation mondiale entre le globalisme et le souverainisme. (D’autant plus si l’on considère l’importance du courant israélien, notamment dans les organes de sécurité, qui défend l’appréciation que le plus grand danger que doit affronter Israël sort du champ géopolitique et idéologique pour se poser au niveau de la survivance principielle de l’identité israélienne, dans une posture qui est à finalité nécessairement anti-globaliste, donc antiSystème.)

• Nous employons ces termes généraux de “globalisme” et de “souverainisme”, ouverts à la discussion, pour faire court, mais aussi pour signaler qu’il y a une vision qui rejette l’identité et la structure nationale (le globalisme) contre une autre vision qui choisit la référence principielle (souverainisme), même s’il existe de très nombreuses conduites politiques qui sont l’objet de polémiques féroces (surtout anti-israéliennes). Nous sommes dans une époque où il est nécessaire de conduire des révisions qui peuvent paraître déchirantes par rapport aux décennies de lutte qui ont précédé, mais qui sont nécessaires au regard des reclassements vitaux en cours. Une partie importante de la gauche dissidente, qui a combattu dans un sens antiSystème Israël lorsque ce pays se trouvait parfaitement aligné sur les neocons américanistes, poursuit cette bataille en se retrouvant aux côtés des progressistes-sociétaux, antirussistes, du côté des éléments du Deep State (notamment la CIA) qui soutiennent les diverses entreprises de subversion, la politique saoudienne qui alimente tous les terrorismes comme facteur de déstructuration, etc. Ce chemin qui conduit à épouser de telles causes, même si involontairement, devrait susciter des questions dans le chef des pèlerins de la vertu progressiste qui les parcourent.

• Le principal dilemme affectant Israël est de se débarrasser de son complexe de lutte existentielle qui est faussement opérationnalisé par son antagonisme avec l’Iran, alors que le véritable danger dans ce cas se trouve au niveau de la dissolution identitaire, – et, dans ce cas justement, l’Iran devrait plutôt être considéré comme un allié par Israël. Les Israéliens devraient comprendre que la meilleure garantie de la préservation identitaire qui doit être leur véritable but stratégique n’est pas d’organiser le désordre autour d’eux, mais au contraire de renforcer les structures identitaires autour d’eux, chaque structure identitaire bénéficiant de celle de son voisin et vice-versant à cause du renforcement d’un principe commun à tous. Ce serait aux Russes, qui maîtrisent ô combien ce principe, de faire comprendre cela aux Israéliens, comme lorsque Poutine tente de faire comprendre à Netanyahou que la référence biblique interprétée à sa façon et vieille de plusieurs millénaires, n’est pas la meilleure pour définir une stratégie existentielle dans le temps présent. On ne combat pas le globalisme en favorisant les outils de dissolution qui sont l’arme principale du globalisme.

Quoi qu’il en soit, le symbolisme, même “bling-bling” et postmoderne, donc complètement fabriqué, même ce symbolisme-là a son utilité puisqu’il permet d’élargir et d’avancer le débat bien au-delà des faits immédiats et des classements justifiés il y a 15 ou 20 ans, et aujourd’hui en voie d’obsolescence très rapide. Un ajustement des analyses et de nouveaux jugements sont impératifs, selon la souplesse nécessaire à l’exigence de la mobilité du phénomène de l’antiSystème.

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