Timimoun est l’une des villes les plus prisées dans le sud algérien par les touristes pour son authenticité et sa beauté originale. Qu’ils viennent de l’intérieur du pays ou de l’extérieur, les visiteurs ne peuvent se passer du charme de la ville qui accueille de grands événements en décembre et janvier. Le tourisme est le véritable poumon économique de cette perle du désert, mais la ville peut-elle se contenter de vivre de cette activité annuellement ?
Rues désertes, hôtels fantômes. Seul l’adhan, qui résonne entre les murs de terre, rappelle que des vies humaines peuplent cette ville du Sahara algérien. Car l’été, Timimoun ressemble à un décor de cinéma mais sans son équipe de tournage. A partir de juin, ce sont le temps et la température qui apprivoisent les Timimouniens et pas l’inverse. Si c’est la première fois que vous visitez la ville, vous ne croirez jamais qu’elle est l’une des plus animées du sud algérien en janvier, tant elle est vide l’été. Il faut veiller à bien choisir sa saison pour visiter ce diamant du sud.
« Mais que faites-vous ici ? » s’étonnent les premières personnes que l’on rencontre. La surprise est grande chez les Timimouniens, qui n’ont pas l’habitude de voir des étrangers lors de cette période difficile. L’expérience est intense mais marquante et surtout émouvante à Timimoun l’été. Les dunes de sables scintillent comme de l’or sous le soleil de plomb du Sahara. Les habitants, quant à eux, incarnent le courage à l’état pur, ils bravent chaque jour des conditions climatiques difficiles et d’autant plus pendant le Ramadhan. Malgré le caractère unique de cette période et de cette région, le touriste se fait rare en été, même si la ville a son charme. D’autant plus pendant la période du Ramadhan, où à Timimoun comme dans tout le pays, le rythme s’inverse, les habitants troquent leur vie de jour contre celle de nuit et dorment la journée. Avec des températures qui oscillent entre 48 et 58°C la journée, il est impossible de se lancer dans une quelconque activité sans risquer le malaise. Alors Timimoun, qui tire sa première source de revenus du tourisme, peut-elle s’en sortir avec une période d’activité qui se réduit à l’hiver ?
Du tourisme de masse…
Les acteurs touristiques de la région semblent démontrer que cela suffit. Certes la période faste pour Timimoun reste encore la fin de l’année, avec le réveillon ou la fête du S’boue al Nabi qui attire en masse des touristes. Belkacem Boukroum, chef de réception depuis un an à Timimoun à Ksar Massine, l’un des principaux hôtels de la ville, explique que le tourisme est une histoire de période. « Octobre et décembre c’est la moyenne saison, nous accueillons en moyenne 200 touristes étrangers sans compter les Algériens. En janvier ce sont environ 300 à 400 étrangers, européens et tunisiens, mais aussi des Algériens qui nous rendent visite», explique Belkacem. Le succès est tel qu’ « avant la période du réveillon, on prend les réservations 2 mois en avance. Pour le S’boue c’est même plus », affirme-t-il.
Et le reste de l’année ? Vide. L’hôtel accueille quelques passagers, notamment des employés de sociétés pétrolières qui passent un bref séjour dans la ville avant de repartir en mission, ou encore des familles qui font une halte dans l’hôtel avant de reprendre la route. Les structures d’hébergement connaissent une année déséquilibrée mais qui n’a pas réellement d’impact sur leur chiffre d’affaires. La saison haute leur ramène énormément de monde, et ils sont souvent complets. De plus, le manque d’infrastructures dans la ville et les prix élevés des locations permettent à tous les hôtels de vivre confortablement. « L’an passé il y avait un manque pour l’hébergement lors du réveillon, nous n’avions pas assez de places », affirme Belkacem Boukroum.
De telle sorte que la majorité des hôtels et des auberges peuvent se permettre de fermer leurs portes le temps du Ramadhan, voire de l’été. Que vous ayez besoin d’un hébergement ou non, peu importe, les opérateurs n’hésitent pas à fermer leurs portes. « Nous sommes en travaux, et je n’ai même pas la clé de l’auberge », nous répond un interlocuteur à l’Auberge de jeunesse de Timimoun. Même son de cloche chez le mythique Hôtel Gourara, fermé pour rénovation depuis plusieurs mois, et principal acteur touristique de la ville.
A l’hôtel Ksar Massine, on préfère rester ouvert toute l’année même si parfois c’est à pertes. « C’est sûr, question revenu il est préférable de travailler toute l’année. Mais nous avons trouvé une solution, l’été, lors de la basse saison nous travaillons avec les sociétés pétrolières, et l’hiver avec les touristes. On y trouve notre compte », affirme le chef de réception.
… au tourisme solidaire
D’autres personnes y trouvent leur compte, comme certains particuliers qui ont profité de ce tremplin économique pour faire vivre leur famille. A l’instar de Mohamed Miloudi, un habitant d’Ighzer, une localité de près de 7000 habitants située à 22 de km de Timimoun. Ce père de 8 enfants profite de la forte présence touristique pour trouver des sources de revenus. Lors des grands événements et des visites de groupes d’étrangers, il s’improvise guide local. « L’hiver beaucoup d’étrangers viennent ici. Ils mangent chez moi, je leur fais faire un tour d’Ighzer, je leur explique l’histoire de la région. Les coutumes de Timimoun et ses environs, et ils payent pour cette visite. Cela me permet de vivre toute l’année, en travaillant seulement quelques mois, nous travaillons très bien au mois de janvier. Ça nous suffit», explique Mohamed, qui, le reste de l’année s’affaire à d’autres activités ou se repose. Pendant le mois de Ramadhan, il peut rester l’esprit tranquille, s’il fait assez d’économies durant l’année, et que la saison touristique est assez bonne.
Mohamed Miloudi permet même ainsi de faire vivre son village. « Je travaille avec les touristes que je mets en lien avec des artisans. Ils viennent acheter des bijoux, des objets artisanaux faits par des femmes du village, ça nous aide bien.» Et cette activité est même possible sur le long terme, « l’avantage c’est que l’on garde contact et je me suis même fait des amis en France qui m’envoient leurs connaissances pour que je leur fasse visiter la région », ajoute Mohamed.
Mohamed Bouarmara qui vit à Ouled Saïd, est le gardien du Ksar d’Aghlad classé dans le patrimoine de la ville de Timimoun. L’homme âgé de 87 ans, continue à faire visiter ce lieu qui a gardé intact le savoir-faire des bâtisseurs d’un autre temps. Cet édifice de pierre est entouré de tout un ksar usé par le sable et le temps mais qui reste debout malgré les difficultés. Perdu au milieu du sable du Sahara, le ksar d’Aghlad offre une ressource financière à Mohamed Bouarmara qui fait visiter le monument, et en profite pour y vendre des objets artisanaux et des souvenirs qu’il ramène du centre-ville de Timimoun. Il a dû s’adapter à la situation après que les foggaras qui permettaient à son village de vivre de l’agriculture se soient asséchées. La culture de la datte, l’une des principales activités économiques était devenue quasi impossible sans ressource hydrique. Plus d’eau mais des touristes. Alors pour survivre, l’enfant d’Ouled Saïd s’est lancé dans le tourisme comme tout le monde.
Potentiel inexploité
Le tourisme est devenu la pierre angulaire du Sahara algérien, d’autant plus pour Timimoun. Récemment, la Direction de la Culture de la Wilaya d’Adrar avait annoncé que le flux touristique ne cessait d’être en hausse dans cette région. D’octobre 2012 à mars 2013, il aurait connu une augmentation de plus de 20% par rapport à l’année précédente. Les agences de voyages, sur cette même période ont géré 295 groupes touristiques, preuve que Timimoun est toujours une ville attrayante. Un tourisme qui profite ainsi à tout le monde, aux grosses structures comme aux acteurs locaux.
Même si les chiffres prouvent que la ville n’a pas de souci à se faire quant à la pérennité de cette activité, ils ne montrent pas que Timimoun dispose encore d’un potentiel caché, et que de nombreuses améliorations sont à prévoir. La réputation du site est encore à travailler d’autant plus après le dramatique épisode de la prise d’otages de Tiguentourine. Les opérateurs touristiques, reconnaissent qu’il a été un frein lors de cette saison touristique. « On a commencé à faire des bivouacs mais cela a été interdit à cause de ce qui s’est passé à Tiguentourine. A cette période nous avons eu beaucoup d’annulations. Comme les délégations des ambassades, par mesure de sécurité », explique le chef de réception du Ksar Massine. Il est donc devenu indispensable pour tous ces acteurs de rassurer les ressortissants étrangers qui visitent la région.
Autre défi, renforcer les capacités d’accueil. Si pendant la basse saison les hôtels sont vides, durant la haute saison il faut se battre pour décrocher un hébergement, et les structures d’accueil restent encore trop peu nombreuses. Quant à l’accueil il offre le minimum vital, au risque parfois de proposer des chambres où l’eau et l’électricité ne cessent de se couper, et ou encore des logements où la saleté domine. Mais face au manque de choix les touristes se résignent à louer des chambres.
Enfin pour tous les acteurs locaux, le patrimoine timimounien aurait besoin d’un coup de pouce. L’incroyable décor de sable et de roche et les vestiges qu’offre cette ville, ne sont pas assez mis en valeur d’après les différents personnages que nous avons rencontrés. « Dès mon arrivée, j’étais ébloui par les paysages. Le tourisme est très intéressant ici, c’est pour ça que j’ai choisi de travaille à Timimoun. C’est un fleuve au milieu du désert, et les sites touristiques sont antiques et restent fidèles à la culture. Mais ils sont restés debout par eux-mêmes », explique Belkacem Boukroum, qui regrette qu’il n’y ait pas de volonté extérieure de préserver ces richesses. « J’aimerais qu’elle devienne la capitale touristique du sud algérien. Il serait indispensable que l’Etat investisse plus dans ces sites historiques », estime encore le chef de réception. De même pour notre gardien du Ksar d’Ouled Said, il craint qu’un jour ce patrimoine exceptionnel perde de son éclat. Même si le Ksar d’Aghlad a obtenu le soutien d’institutions internationales comme le PNUD ou encore l’Unicef, il reste livré à lui-même et aux vents de sables.
Préserver son patrimoine et renforcer son économie, les Timimouniens ont un double défi à relever. Dans le passé ils ont su faire à partir du néant, une richesse, et à partir du sable des habitats, et demain de leur ville, une destination incontournable et inoubliable. Inch’allah.